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être trépassée à l’heure qu’il est ; mais pour celle-là, c’est une bénédiction de s’en aller.

— Ce sont de pauvres gens ? dit Lucienne, vivement intéressée ; on pourrait peut-être leur venir en aide, on pourrait empêcher la vente qui menace ce pauvre homme.

— Ce pauvre homme ? dites cette pauvre fille plutôt ! si elle est encore de ce monde, s’écria madame Bourguignon. Lui, c’est un mauvais homme, paresseux, ivrogne, qui battait sa fille et la laissait sans le sou ; il ne mérite pas qu’on s’apitoie sur son sort. — Ah ! voilà mon monde, ajouta-t-elle en allant ouvrir la porte.

Une dizaine de paysans, armés de pics et de pioches, entraient dans le vestibule où ils laissèrent leurs outils ; puis ils pénétrèrent dans la salle en se bousculant par jeu et en trébuchant bruyamment avec leurs gros souliers ferrés.

— C’étaient pour la plupart les célibataires et les veufs du pays, ceux qui n’avaient pas de ménage, et quelques journaliers venus pour les vendanges, et qui étaient restés dans le village, les vendanges finies, pour terminer quelque besogne.

— Allons, de la tenue ! ne voyez-vous pas qu’il y a une dame ? s’écria la mère Bourguignon, en leur distribuant quelques bourrades. — Celui-ci, c’est mon garçon, ajouta-t-elle s’adressant à Lucienne et frappant sur l’épaule d’un grand gaillard de vingt-cinq ans.

Le jeune homme ainsi présenté ôta son chapeau