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II


F…, assez fréquenté aujourd’hui, l’était fort peu il y a quelques années. La foule s’entêtait à ne pas venir occuper les vastes établissements préparés à son intention et dont l’édification avait ruiné complétement celui qui l’avait entreprise.

Vers les premiers jours d’août d’une de ces dernières années, le successeur de l’entrepreneur malheureux trompé dans ses espérances, se tenait debout à la principale entrée de son établissement, en frac irréprochable, les joues dépassées par les deux pointes de sa cravate blanche, une main gantée, l’autre nue ; il souriait d’une façon amère aux voyageurs prochains qu’il attendait sans doute, car à chaque moment il regardait l’heure à sa montre.

M. Duplanchet, qui avait acquis une petite fortune dans le commerce à Paris, avait eu l’idée, en apprenant la mise en vente du Casino de F… et de ses dépendances, d’acquérir cet immeuble et de tâcher de réussir où un autre avait échoué. Il s’était rendu à F…, et un sourire de mépris pour la maladresse du vendeur ruiné avait effleuré ses lèvres,