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se défigura si bien qu’elle se fit presque peur.

— On ne me donnerait pas pour quinze jours de vie, se dit-elle en se mirant.

Elle chercha parmi ses toilettes la couleur qui pouvait être le plus défavorable à son teint. Elle se décida pour une robe mauve qui faisait ressortir le ton d’or de ses cheveux, mais en faisant paraître son visage jauni. Elle mit un chapeau garni de violettes de Parme, et une voilette par-dessus son fard.

On alla lui chercher un coupé de grande remise, et elle commença ses visites.

Elle alla voir toutes ses camarades.

Partout elle surprit un mouvement d’étonnement, aussitôt réprimé, que faisait naître l’aspect trompeur de son visage.

— J’ai mauvaise mine, n’est-ce pas ? disait-elle.

— Mais non, lui répondait-on, tu as l’air seulement un peu fatiguée. Est-ce que tu as été malade ?

— Non ; mais je crois que je tiens de ma mère, j’ai la poitrine faible. Je compte passer l’hiver à Monaco. D’autant plus que me voilà libre.

— Comment ! s’écriait-on ; et Provot ?

— Il m’ennuyait, je l’ai congédié, répondait Lucienne. Et elle ajoutait : — Je fais vendre mon mobilier.

Alors les bonnes petites amies s’exclamaient, s’attendrissaient sur son sort, mais au fond avec une joie intime d’avoir à plaindre celle qu’elles avaient enviée.

— Bah ! disait Lucienne, la peine s’en va, la chance