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forcer de ne pas penser à lui dans ce lieu maudit.

Elle éteignit la lampe et essaya de dormir. Mais le sommeil ne vint pas.

Alors elle prit sa tête entre ses mains, et avec toute la ténacité de sa volonté, elle se mit à combiner son plan et à mûrir son étrange idée.

Le lendemain, Jeanne s’en alla. Pour ne pas voir un nouveau visage, Lucienne se contenta du service de sa cuisinière, à laquelle elle dit cependant de chercher une place.

Aussitôt qu’elle eut déjeuné, la jeune femme se mit à sa toilette. Elle y apporta un soin tout particulier ; elle disposa ses cheveux de la façon qui lui seyait le mieux, elle mit une robe de faille noire, très-simple mais très-élégante. Après quoi, elle sonna pour envoyer chercher un fiacre.

Elle se rendit chez Nadar et fit faire son portrait. Il fut convenu qu’on ne tirerait qu’une seule épreuve de la photographie, et que le cliché serait détruit.

Rentrée chez elle, elle s’enferma dans sa chambre, ôta sa robe et s’assit de nouveau devant sa toilette. Cette fois elle travailla, non à « faire » sa figure, mais plutôt à la défaire. Elle changea sa coiffure, aplatit ses cheveux, les tira sur ses tempes, ce qui fit paraître son visage plus mince. Puis elle se grima complètement comme aurait pu le faire, au cinquième acte d’un drame, une actrice chargée d’un rôle de phthisique. Elle se rougit le bord des yeux, noircit ses paupières inférieures, accentua le pli léger qui part du coin des narines ; enfin elle