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— Comment ! madame se lève avant midi à présent ! s’écria Jeanne.

— Ah ! je suis bien changée, va, dit Lucienne. Bonsoir.

Lorsqu’elle fut seule, Lucienne écrivit plusieurs lettres ; à sa modiste, à sa couturière, aux fournisseurs avec lesquels elle avait un compte ouvert, en les priant de lui envoyer immédiatement leur facture ; puis à un commissaire-priseur à qui elle demanda de venir voir un mobilier à vendre. Elle ne mit pas de suscription sur cette dernière lettre, se promettant de chercher le lendemain dans l’almanach Bottin le nom et l’adresse d’un commissaire-priseur quelconque, et de faire porter la lettre pour avoir plus tôt la réponse.

Quand elle eut fini d’écrire, elle vida tous les tiroirs du secrétaire au milieu de la chambre et brûla jusqu’au dernier les papiers qu’ils contenaient, sans en relire un seul, sans même les regarder. Elle ne conserva que le petit paquet de lettres de l’autre Jenny, sa première amie.

— Cela seul appartient à l’époque à laquelle je puis songer sans rougir, se dit-elle ; à ce temps déjà lointain où j’étais presque innocente.

Quand le dernier lambeau de papier noirci s’envola par la cheminée, Lucienne mangea un morceau rapidement, puis se coucha.

Avant de s’endormir elle voulut regarder le portrait d’Adrien, mais elle se ravisa.

— Non, pas ici, murmura-t-elle. Je veux m’ef-