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— Madame est bien fatiguée ! lui dit Jeanne, qui se tenait là comme quelqu’un qui a quelque chose à dire.

— Non, pas trop, dit Lucienne, en relevant la tête ; mais qu’as-tu ? tu sembles triste.

— C’est que j’ai reçu de mauvaises nouvelles du pays, dit Jeanne, qui soudain fondit en larmes. La lettre m’est arrivée juste aujourd’hui.

— Il y a chez vous quelqu’un de malade ?

— C’est ma pauvre mère qui se meurt, dit Jeanne, de cette voix aiguë qu’on a dans les larmes. Il n’y a plus d’espoir ; le médecin l’a condamnée.

— Ma pauvre enfant ! dit Lucienne, c’est affreux ! Et tu vas partir ?

— Demain, par le premier train. Il faut que je me dépêche, vous pensez, si je veux revoir encore ma mère.

— Et tu ne sais pas quand tu reviendras ?

— Ah ! bon Dieu ! non ! Je ne sais pas si je reviendrai, seulement ! Mon père ne voudra peut-être pas rester seul. Et je prie madame de vouloir bien me régler mon compte. On n’est pas riche chez nous. Et s’il faut payer des frais d’enterrement et de tout… Vous m’excusez de vous dire ça, n’est-ce pas, madame ?

— Oui, oui ; tu auras l’argent qu’il te faut.

Jeanne se répandit en remerciements. Mais Lucienne n’écoutait plus qu’à demi. Une idée singulière venait de lui traverser l’esprit. Elle fut sur le point