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— Non, certes ! Il me serait trop cruel d’y revenir sans vous, répondit Adrien.

La porte vitrée qui sépare la salle d’attente de la voie ferrée glissa sur ses gonds.

— Les voyageurs pour Yvetot, Rouen, Paris ! cria l’employé.

— Ah ! le train est impitoyable ! dit Max. Bon voyage ! adieu ! ou plutôt, au revoir !

On monta en wagon. Max, derrière la porte refermée, toujours son chien sous le bras, souleva une dernière fois son chapeau ; un coup de cloche, un coup de sifflet, le bruit mat des portières refermées, puis un grincement de roues sous le premier élan de la vapeur ; on est en route.

Lucienne était assise à côté de Jenny qui lui tenait la main ; Adrien était en face d’elle. Ils se regardaient avec un morne abattement, sans se parler.

Dans l’autre coin, madame Després feignait de sommeiller, et M. Provot regardait le paysage à travers la vitre battue par la pluie, pour dissimuler son irritation.

On avait un bon bout de chemin à faire ensemble jusqu’à Rouen. Mais hélas ! avec quelle rapidité le train dévorait l’espace ! on eût dit que la locomotive y mettait de la méchanceté.

— Il a le mors aux dents, ce train ! disait Jenny.

Les kilomètres se déroulaient sous les roues ; les villages, les stations filaient de côté et d’autre. On entra bientôt sous la gare de Rouen, et il fallut pré-