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en regardant ailleurs et en pensant à autre chose.

Max ne partait pour nulle part. Il venait regarder les autres partir. Ces quelques étrangers qui apportaient à F… le luxe, l’animation, la gaieté, pour qui le Casino s’ouvrait, auxquels on donnait des bals, des spectacles, des fêtes ; il les voyait s’en aller un à un de cette ville qu’il ne quittait pas, lui, et qui semblait encore plus triste après ces quelques mois brillants.

Lorsqu’il aperçut madame Després et Jenny, il remonta un peu Mirza sous son bras d’un mouvement brusque, et courut saluer ces dames.

— Ainsi, vous nous quittez ? dit-il d’un ton dolent.

— Il faut bien finir par s’en aller, dit madame Després. Voici le mauvais temps.

— Oui, le ciel pleure comme moi votre départ, dit Max en tournant vers Jenny ses grands yeux saillants, pareils à des yeux de bœuf.

— Ce doit être vraiment affreux d’habiter ici pendant l’hiver, dit Jenny en retenant son sourire ; à quoi passe-t-on sa vie ?

— On ne vit pas, on végète, dit Max ; on se souvient de la saison passée, on pense à la saison prochaine.

— Il faut travailler, dit madame Després ; quand on travaille, on ne s’ennuie nulle part.

Pendant ce temps, Lucienne disait à voix basse à Adrien :

— Vous ne reviendrez pas dans ce pays avant trois ans, n’est-ce pas ?