Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lucienne jeta an coup d’œil autour de cette pièce qu’il avait habitée trois mois et qu’elle avait eu bien souvent envie de voir.

C’était la chambre gaie et banale des hôtels de villes d’eaux. Les meubles disparaissaient sous des housses à volants en perse à grandes fleurs ; des rideaux pareils aux fenêtres et au lit de noyer, rehaussé de filets noirs ; à terre une moquette sombre, et, sur une table ovale, un tapis de reps brun avec un ramage bouton d’or.

Lucienne embrassa tout d’un regard ; elle vit la malle plate déjà fermée et la valise de cuir rouge ouverte en deux sur le tapis ; les pantoufles de maroquin vert posées près du lit ; sur la toilette, la petite boite d’argent niellé, où il mettait ses cigarettes ; le flacon enfermant le parfum qui lui était familier.

Deux bougies brûlaient dans des flambeaux argentés. Adrien fit rouler un fauteuil près de la table.

— C’est très-grave ce que je fais là, dit Lucienne en se laissant tomber dans le fauteuil. À une pareille heure dans votre chambre !

Adrien s’agenouilla près d’elle.

— Il eût été plus grave encore de risquer de nous laisser surprendre, dit-il. D’ailleurs, ne suis-je pas votre fiancé ? N’aurai-je pas un jour le droit de franchir le seuil de votre chambre ? Hélas ! que de jours et que de nuits me séparent encore de cet instant ! ajouta-t-il, en appuyant son front sur les mains de Lucienne.