— Je vois que c’est toute une histoire dit Lucienne.
— Oh ! une histoire bien simple, dit Jenny en hochant la tête. J’ai dansé avec un jeune officier de marine, un vrai marin, celui-là. Max ne l’est pas plus que le chat, et, tu sais, je raffole des marins. Il est venu m’inviter, et il m’a plu tout de suite. Mince, assez grand, très-élégant dans son uniforme à étroits galons d’or. Ce qui frappe en lui, tout d’abord, c’est son regard ; ses yeux bleus sont plus clairs que son teint bruni par le grand air ; on dirait qu’ils sont éclairés intérieurement. Ces yeux-là doivent voir dans l’obscurité au milieu des nuits de tempête. El avec cela un air doux, presque timide.
— Il ne t’a pas fait la cour, alors ?
— Pas du tout ; et si, dans ce bal, quelqu’un l’avait frappé, ce n’était pas moi.
— Qui était-ce donc ?
— Tu veux le savoir ?
— Si ce n’est pas un secret.
— Eh bien, c’était une certaine personne en robe de crêpe bleu, avec des bleuets dans les cheveux, et pâle à faire mourir le jeune Max d’envie.
— Comment ! moi ?
— Oui, mademoiselle, ! vous êtes ma rivale.
— Je ne l’ai pas même vu, ce jeune homme.
— Oh ! toi, tu ne voyais rien ; je ne sais ce que tu avais ce jour-là. Mais moi qui regardais, sans en avoir l’air, le charmant marin, je voyais avec dépit qu’il ne regardait que toi, La première fois qu’il a