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Un petit paquet noué d’un ruban rouge tomba sur ses genoux.

— Ah ! s’écria-t-elle, on le saisissant vivement, je l’ai tant cherché !

Et elle dénoua le ruban.

C’étaient quelques lettres un peu jaunies et usées aux plis, écrites sur des papiers des nuances les plus tendres, d’une écriture presque enfantine. Lucienne en déploya quelques-unes ; elles étaient signées Jenny.

Jenny était une des amies de pension de Lucienne ; la plus chère, la plus regrettée. La jeune femme souriait tout en relisant ces lettres naïves. Elle les relut toutes ; puis elle soupira et tomba dans une profonde rêverie.

Elle revoyait nettement cette époque de sa vie, qui s’était écoulée au milieu d’un essaim de jeunes filles. Elle se souvenait du jour où sa mère, trouvant qu’elle grandissait beaucoup, l’avait conduite dans un pensionnat des environs de Paris, après avoir congédié la gouvernante qui jusqu’alors s’était occupée de son éducation. Elle avait quatorze ans lorsqu’elle entra à la pension. Grande, jolie déjà, plus élégante dans sa mise que les autres pensionnaires, elle les avait charmées par ce qui plus tard les aurait rendues jalouses et envieuses. On l’avait entourée, pressée de questions : — Où étiez-vous avant de venir ici ? Comment nomme-t-on votre mère ? Que fait votre père ?

Son père ! c’était la première fois qu’elle y pensait, on ne lui en avait jamais parlé.