Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XI


Lucienne avait hâte d’être seule pour méditer, avec toute la puissance de pensée dont elle était capable, sur le projet qu’elle venait de concevoir, afin d’en rendre l’exécution possible.

Dans cette lutte qu’elle entreprenait contre la vérité, elle devait prévoir, comme un général à la veille d’une bataille, tous les pièges et tous les dangers que pouvait lui susciter l’ennemi. Son mensonge devait être invulnérable.

Elle ne se coucha pas. Toute la nuit, elle marcha fiévreusement dans sa chambre, inventant, combinant, perfectionnant le plan de ce combat, dans lequel elle voulait à tout prix triompher.

Quand elle sortit le matin, furtivement, par la porte donnant sur la falaise, elle était armée de toutes pièces, et il lui semblait impossible qu’elle fût vaincue.

Elle courait légèrement dans l’herbe qui mouillait ses fines bottines, et elle serrait autour d’elle un châle de dentelle noire jeté sur sa tête et sur ses