Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jenny tambourinait sur les vitres et fredonnait le premier vers de la sérénade de Don Juan :


Je suis sous ta fenêtre.


Adrien jeta un coup d’œil autour de lui. La plage était déserte. En quelques efforts, s’accrochant à une persienne du rez-de-chaussée et aux saillies des moulures, il atteignit la fenêtre et s’assit sur le rebord de pierre. Lucienne avait poussé un cri.

— Oh ! ne crains rien, dit Jenny, il grimpe aussi bien qu’il nage. Ne dirait-on pas qu’il est assis là sur un canapé ?

Le jeune homme regarda Lucienne et lui prit la main. Elle n’avait pas la force de se défendre. Son regard avide plongeait dans les yeux d’Adrien avec une sorte de vertige. Il la sentait frémir ; il sentait qu’elle l’aimait éperdument, autant que lui-même l’aimait. Il lui pressait doucement la main ; il y appuya ses lèvres, et Lucienne, toute pâle, n’eut pas la force de résister.

— Eh bien, ne vous gênez pas ! s’écria Jenny, embrassez-vous devant moi ! Monsieur mon frère, vous perdez décidément la tête, vous si soucieux d’ordinaire des convenances, et qui m’avez bien souvent taquinée avec votre morale, je ne vous reconnais plus. Si les gens du pays vous voyaient suspendu à ce balcon, ils en diraient de belles sur notre compte !

— Tu as raison, je suis fou, dit Adrien ; je m’en vais.