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confiance sans bornes en Dieu, il ne s’enquit pas d’où venait cette abondance. Le lendemain, il retourna à la mosquée, où il fit une longue station et pria avec ferveur. En revenant chez lui, il trouva un festin splendide et la maison pleine de provisions qu’un inconnu avait apportées en son absence ; cela se renouvela ainsi tous les jours sans qu’Aïssa témoignât la moindre curiosité de connaître ce pourvoyeur généreux, qui n’était autre qu’un messager céleste. La profusion de viande, de farine et de légumes était telle, qu’Aïssa put nourrir tous les pauvres de la ville !

Une autre fois, sa femme, qu’il avait envoyée puiser de l’eau à la citerne pour faire ses ablutions, retira le seau plein de sultanis d’or, et cela à plusieurs reprises. Tout cet or fut rangé dans une alcôve, voilée d’un rideau blanc, d’où Aïssa le sortait à poignées pour le distribuer, sans compter jamais, aux nécessiteux qui avaient recours à lui.

Ces marques visibles de la protection divine engagèrent Aïssa, malgré son humilité, à fonder un ordre dont les affiliés devaient professer une foi absolue en Dieu, une obéissance passive à leur marabout.

Pour éprouver ses disciples, à l’Aid-el-Kebir (fête du beiram), il acheta cent moutons, et dit à ses cent fidèles