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bres et fouillée, sur plusieurs lignes, de trous destinés à les recevoir ; il fallait s’en rapporter à l’instinct et à la vue nyctalope de mon grand coquin de cheval blanc, qui, à chaque fosse, s’enlevait brusquement sans que j’eusse eu le temps de le rassembler, et franchissait l’obstacle en me donnant d’épouvantables secousses qui me jetaient du troussequin au pommeau de ma selle. Après une vingtaine de sauts de ce genre, je me trouvai, à côté de mes amis et du chef du bureau arabe, sur un terrain plus uni au bout duquel scintillaient des lumières en mouvement. — On était arrivé.

Nous longeâmes, pour pénétrer au haouch, des files de chevaux entravés, auxquels ma monture, mise en gaieté par ses cabrioles, mordait amicalement la croupe, politesse repoussée à coups de ruade ou accueillie par des hennissements sonores comme des appels de clairon. Les chiens, qui se savent mieux vus des Français que des indigènes, gambadaient joyeusement autour de nous en jappant ; ce bruit ayant averti de la présence d’étrangers, les gens du haouch vinrent à notre rencontre et nous conduisirent au caïd Ahmed-ben-Kaddour.

Ahmed-ben-Kaddour, nous voyant en compagnie de M. Bourbaki, nous accueillit avec cette politesse exquise