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sionnaires, dont on raconte des merveilles, qui depuis longtemps piquaient vivement ma curiosité en même temps qu’elles excitaient mes doutes ; le voyageur au XIXe siècle est naturellement sceptique et il aime fort, avant de croire, à fourrer son doigt dans la plaie, comme saint Thomas ; c’est moins méritoire mais plus sûr.

J’avais une lettre de recommandation pour le capitaine Bourbaki, alors chef du bureau arabe, et, quoique j’use en voyage avec une extrême discrétion de ces lettres de change tirées sur l’obligeance d’un inconnu, le désir de voir les aïssaoua l’emporta sur ma réserve habituelle et je me présentai résolument à lui.

M. Bourbaki me reçut à merveille et s’offrit de la plus aimable façon du monde à me servir de guide dans cette petite excursion, car le haouch de Gerouaou est à quelque distance de Blidah. Il fit seller des chevaux pour moi et deux amis qui s’adjoignirent à l’expédition, et monta lui-même une bête revêche, quinteuse, pleine de défenses et qui ne méritait que bien faiblement l’épithète de quadrupède, car elle fit à peu près la moitié de la route sur les deux pieds de derrière. L’écurie de M. Bourbaki, excellent écuyer, était meublée d’animaux de ce genre ; il achetait de préférence