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moins pittoresque. De petites colonnes trapues, dont quelques-unes sont torses et surmontées de ces chapiteaux d’un corinthien capricieux, sculptées à Livourne et à Gênes pour l’usage de l’Orient, y supportent des arcades irrégulières, évasées en cœur. La façade est blanchie à la chaux, et son toit de tuiles creuses, qui se projette en avant, sert de point d’appui à une vigne luxuriante, vert plafond de la rue qu’elle recouvre entièrement. En face, dans une conque de pierre, filtre une fontaine entourée de pots de basilic.

Des nattes, déroulées sous les arcades reliées entre elles par des balustres de bois à hauteur d’appui, permettent aux consommateurs, tout en savourant le moka ou en fumant leur pipe, d’écouter le bruit de l’eau et d’aspirer le parfum des plantes aromatiques.

Un soir que, les jambes repliées en tailleur, entre un Bédouin et un Kabyle, je buvais à petites gorgées cet excellent café trouble dont les Orientaux ont le secret, j’entendis parler d’une fête qui devait se donner le lendemain au haouch (ferme) de Gerouaou, chez Ahmed-ben-Kaddour, caïd des Beni-Khelil.

Le programme de cette fête, débité par un nouvelliste comme il s’en trouve toujours dans les cafés, promettait une séance d’aïssaoua, espèce de convul-