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La flûte de derviche entama une petite cantilène grêle que vint bientôt renforcer le son plus nourri du rebeb et soutenir le rhythme des tarboukas ; une des danseuses se leva et s’avança par d’imperceptibles déplacements de pieds jusqu’au milieu de la cour ; elle était coiffée de deux mouchoirs de Tunis rayés de soie et d’or, noués en marmotte sur un petit cône de velours ; sa veste de satin, enjolivée de paillon, était ouverte et laissait voir une chemise de crépon à bandes mates et transparentes alternativement ; un châle lui servait de ceinture et serrait des caleçons de taffetas cramoisi arrêtés au genou ; un grand foulard zébré de couleurs éclatantes, appelé foutah, lui bridait sur les reins et formait une espèce de jupon ouvert par devant. Cet ensemble éclatant allait bien avec sa figure régulière, au teint légèrement bistré, aux lèvres de grenade, aux yeux de gazelle agrandis par le surmeh, à l’expression langoureuse et passionnée à la fois.

La danse moresque consiste en ondulations perpétuelles du corps, en torsions des reins, en balancements des hanches, en mouvements de bras agitant des mouchoirs ; une jeune danseuse se démenant ainsi a l’air d’une couleuvre debout sur sa queue : cette rotation en spirale serait impossible au plus souple sujet de l’Opéra ;