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gène, dans la cour d’une maison moresque : c’était une occasion à ne pas négliger de voir les types féminins du pays ; chose difficile partout où règne la loi du Coran.

Cette cour, entourée d’un portique pareil au cloître d’un couvent ou d’un patio espagnol, formait avec ses colonnettes de marbre à chapiteaux évasés, ses ogives contournées en cœur, une jolie salle de bal plafonnée par l’azur du ciel nocturne tout piqueté d’étoiles, et suffisamment illuminée par des veilleuses suspendues à des fils d’archal.

Trois ou quatre rangs d’Arabes accroupis dans leurs grands burnous blancs, et rappelant, par l’austérité de leur physionomie, l’immobilité de leur pose, la coupe et la couleur de leur vêtement, un conventicule de chartreux, encadraient un espace laissé vide pour les exercices des danseuses ; — au fond, en face de la porte, se tenait l’orchestre, éclairé par trois ou quatre bougies fichées en terre ; cet orchestre se composait d’un rebeb, d’une flûte de derviche et de trois ou quatre tarboukas ; un peu en avant, sur un tapis, se tenaient assises, les jambes croisées, quatre ou cinq belles filles, que nous ne saurions mieux comparer qu’aux femmes d’Alger de Delacroix, pour la coquetterie sauvage du type et de l’ajustement.