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maussades maisons à cinq étages, voilà les arcades goût Rivoli, badigeonnées de ce jaune dont, au moyen âge, on engluait seulement le logis des traîtres et des excommuniés ; les façades chamarrées d’enseignes et d’inscriptions ; — aimables demeures, où l’on grille en juillet, où l’on gèle en décembre, et qui, nous l’espérons bien, seront jetées bas par le premier tremblement de terre. — Les pâtres kabyles à demi-nus, qui poussent leurs troupeaux dans cette rue au milieu de flots de poussière, forment le plus frappant contraste avec les boutiques françaises qui la bordent. — Ici, les mœurs patriarcales, le vêtement comme les pasteurs de la Bible devaient le porter lorsqu’ils venaient parler avec les jeunes filles sur la margelle des puits ; là, les usages prosaïques, l’habit étriqué de la civilisation, toutes les misères et tous les mensonges du commerce !

Cette course nous avait aiguisé l’appétit et nous prîmes à la hâte, rue de la Marine, chez un restaurateur, nommé Giraud, un repas à l’ail, à l’huile et aux tomates, arrosé de vin de Lamalgue, tout à fait semblable à celui que nous eussions pu faire de l’autre côté de la Méditerranée, sur la Cannebière, à Marseille.

Après le dîner, pour achever la soirée, nous allâmes rue de l’Empereur, où avait lieu une m’bita ou bal indi-