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exactement suivies que ne s’en flattent les soulards progressifs et les membres du Caveau. Le père Matthews et les apôtres des sociétés de tempérance n’auraient vraiment rien à faire chez les Arabes — qu’à prendre des leçons de sobriété.

En revanche, les marchands d’alcarrazas, de gargoulettes et de vases à contenir ou à rafraîchir l’eau abondent. La poterie arabe n’a rien de nouveau pour qui connaît la céramique espagnole, qui en a retenu presque toutes les formes. Le cantaro, la jarra, la tinaja se retrouvent sur l’autre rive de la Méditerranée ; la gargoulette, qui est d’un usage plus général, est un vase à goulot allongé, à ventre d’un renflement brusque où s’agencent deux anses crénelées ; quelques gaufrures rubanées, faites à la pointe de l’ébauchoir dans l’argile encore humide, et pareilles aux dessins que tracent les ménagères sur leurs gâteaux, zèbrent les flancs et le col. À l’orifice se trouve une petite plaque aussi de terre, percée de trous comme une passoire, qui empêche l’eau de jaillir trop impétueusement lorsqu’on penche la gargoulette, et la maintient plus fraîche en l’isolant de l’air extérieur. Les pots kabyles présentent une particularité assez curieuse : ils sont doubles et communiquent ensemble par un petit système hydrauli-