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sent là empilées dans toute l’horreur de la tuerie. Les poches de fiel accrochées à des clous verdissent le mur de leur suint amer, des quartiers saigneux se balancent au plafond, des poumons, auxquels pend encore un bout de trachée-artère, épanouissent leurs lobes poreux comme des éponges roses ; et le boucher, à l’air truculent, les bras rouges jusqu’au coude, sous ce dôme de chair ruisselante, tranche et dresse la viande, disloque les membres, divise et rompt les os selon les demandes des pratiques, qui sont ordinairement de jeunes garçons ou de vieilles négresses, les Moresques ne sortant pas pour aller aux provisions.

Les boulangeries arabes sont plutôt des fournils où l’on va chercher des pains, et où l’on porte ceux qu’on pétrit à la maison, que des boutiques comme nous l’entendons ; les magasins de grains et de farines sont, au contraire, assez nombreux.

Le mahométisme, comme on sait, défend l’usage du vin ; cette bienheureuse interdiction supprime le cabaret ; car, si quelques musulmans boivent en cachette des liqueurs fermentées, nul n’aurait l’impudeur d’en vendre ou d’en acheter publiquement. L’ivrognerie est, par malheur, un des vices et des besoins du Nord. — Les défenses du Coran à ce sujet sont beaucoup plus