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flamme et sans regard. Des femmes qui passent pour belles à Paris seraient heureuses d’avoir de pareilles têtes sur leurs épaules. — Les jeunes ouvriers sont coiffés d’une calotte rouge qui laisse voir leurs tempes rasées et leur nuque bleuâtre, où s’enchâssent, par des lignes presque droites, des cous athlétiques. Quelle différence de ces types pleins de noblesse aux physionomies chafouines du peuple de Paris ! Et pourtant ce ne sont, après tout, car il ne faut pas que la couleur locale nous fasse illusion, que des garçons tailleurs, des faiseurs de pantoufles et des fabricants de cordonnet.

Quelquefois, dans les bazars surtout, l’atelier anticipe sur la voie publique ; vous enjambez des groupes de travailleurs qui ne se dérangent pas à votre passage, et continuent leur tâche avec une régularité flegmatique. — Personne là-bas ne paraît pressé, et notre air affairé surprend beaucoup les indigènes. Quand on s’arrête pour les regarder faire, ils ne paraissent pas gênés de votre curiosité, et vous jettent, sans lever la tête, un sourire également éloigné de la servilité et de l’ironie.

Le goût des poissons rouges paraît général chez les boutiquiers algériens ; presque toujours, un globe rempli d’une eau limpide où jouent quelques hôtes à