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sauvagerie rendent si caractéristiques et si pittoresques. Alger est l’Athènes de l’Afrique, c’est la ville du goût barbare, et les modes y reçoivent leur consécration. Il y a un proverbe qui dit :


Tunis invente,

Alger arrange,

Oran gâte.

L’instinct du coloris est très-développé chez les Orientaux ; jamais ils n’associeront deux nuances fausses ou deux tons crus. Comme la religion musulmane défend la représentation des êtres animés de peur d’idolâtrie, le sens de l’art, qu’aucun réformateur ne peut éteindre chez une nation, se réfugie dans l’arabesque, la broderie, l’ornement et le choix des couleurs : ceux qui auraient été peintres sous une religion plus indulgente se font chamarreurs ou teinturiers.

La plupart de ces ouvriers sont des jeunes gens de seize à vingt ans, souvent d’une beauté rare. Ce n’est pas tout à fait le profil grec, mais la pureté n’y perd rien. Le nez, que relève une légère courbe aquiline, n’a que plus de fierté ; la bouche, un peu épanouie, est d’une coupe parfaite ; — quant aux yeux, ils ont un tel éclat, que, à côté, les yeux européens paraissent sans