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choses, dans un marasme profond. Nos amis nous deviennent insupportables, les plus douces relations nous sont à charge, aucun livre ne nous amuse, nul spectacle ne nous distrait ; nous avons la nostalgie de l’azur : dans nos rêves, il nous semble être bercé par des vagues de saphir sous un ciel de turquoise. Nous sommes en proie à des hallucinations de cobalt, d’outremer et d’indigo ; et, comme dans la strophe de Byron, nous voyons s’élever, du bleu foncé de la mer vers le bleu foncé du ciel, des dentelures de villes éblouissantes de blancheur.

Tous ceux qui ont eu le bonheur, ou, si vous l’aimez mieux, le malheur d’aller en Espagne ou en Italie, à Cadix ou à Naples, nous comprendront sans peine ; on se sent exilé dans sa propre patrie ; et le seul remède au mal, c’est de partir du côté où vole l’hirondelle. Aussi, le 3 juillet, nous sentant mourir de mélancolie à l’aspect de ces nuages qu’aucun rayon de soleil ne vient jamais percer, nous grimpâmes dans la diligence de Châlon-sur-Saône en compagnie de notre excellent camarade Noël Parfait.

Nous n’avons pas la prétention d’avoir découvert Châlon-sur-Saône, et la route par laquelle on y va n’a rien de fort curieux.