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visite au nombre de trois ou quatre, et prennent place à côté de lui sur la natte ; ils restent là des journées entières, immobiles comme des figures de cire, et paraissent s’amuser considérablement.

On dirait que ces boutiques ont été arrangées à souhait pour le plaisir des peintres ; la muraille rugueuse, grenue, empâtée de couches successives de crépi à la chaux qui s’écaille, ressemble à ces fonds maçonnés à la truelle qu’affectionne Decamps, et fait comme un cadre blanc au tableau.

Dans une demi-teinte transparente, étincellent les tuyaux de pipes enjolivés de houppes, les bouquins d’ambre, de corail et de jade, les flacons d’eau de rose, les vestes chamarrées de broderies, les babouches pailletées, les tapis, les ceintures de soie et les cachemires, objets ordinaires du commerce levantin. Presque toujours le marchand est en même temps fabricant ; la boutique est un atelier ; la chose que vous achetez, vous la voyez exécuter avec des moyens si simples, une si grande célérité, un goût si exquis, que vous vous demandez involontairement à quoi servent les progrès de la civilisation.

Nous nous arrêtions souvent à voir de jeunes garçons mores ou juifs occupés à des ouvrages de passemen-