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Le bateau, cependant, continuait à brasser de l’écume, et nous n’étions pas loin de Moerdyk. Enfin, nous aperçûmes une jetée en pilotis au bout de laquelle apparaissait la gare du chemin de fer ; l’eau commençait à prendre des airs de marine assez inquiétants pour les cœurs sensibles, et sa rencontre avec la marée ou le courant d’une autre branche la faisait bouillonner fortement. Ce fut avec plaisir que nous débarquâmes, tenant une vache par la queue comme un sannyasi ou un fakir indien.

De Moerdyk à Anvers, la route n’a rien de bien intéressant ; elle répète, d’une manière affaiblie, les paysages plats dont nous avons déjà donné la description ; puis viennent des landes désertes où nous aperçûmes quelques hérons, les uns rêvant sur une patte, les autres s’enfuyant en battant des ailes au râle de la locomotive.

Vers les six heures, nous étions à Anvers, qui n’a plus sa physionomie caractéristique d’autrefois, ses maisons roses, vert-pomme, ventre de biche, jaune-serin, lilas ; ses madones au coin des rues ; ses grands Christs porte-lanternes, peinturlurés à l’espagnole et si lugubres le soir ; et ses femmes encapuchonnées de la faille, l’antique mantille flamande. Nous descendîmes à l’hôtel Saint-Antoine, et, après quelques bouchées ava-