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plus singulier peut-être que les élévations d’un pays de montagnes. Tout objet rapproché prend ainsi de la valeur : une cabane de planches, une écluse, un tronc de saule, une vache, une coque de barque forment tableau tout de suite ; ils ont derrière eux de l’air, de l’espace et du ciel, et rien ne les rapetisse. En voyant cette nature, on comprend pourquoi les Hollandais sont si bons coloristes, tandis que les Suisses n’ont jamais su peindre.

Dordrecht fait une fort bonne mine au bord du fleuve, large à cet endroit presque comme un bras de mer. Elle a sur le quai une porte à fronton échancré et à volutes, formant une façade tout historiée d’inscriptions latines qui témoignent de la science et des vertus civiques de ses habitants. Ses maisons réjouissent l’œil par ce mélange de blanc, de rouge et de vert, retouches franches et gaies dont la Hollande ravive si à propos ses ciels laiteux et ses eaux grises. Une longue chaussée plantée d’arbres part de la ville. Sur cette chaussée roulait un tilbury traîné par un trotteur rapide. Les chevaux vont très-vite en Hollande, où il n’y a d’autres montées et d’autres descentes que celles des ponts.

Tous les Hollandais portent une cravache, fatuité de peuple maritime.