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aigu d’un aspect drolatique. La fumée monte ainsi par-dessus la tête du tabacolâtre et semble s’exhaler du tuyau d’une locomotive en miniature. Nous notons ce détail, insignifiant sans doute ; mais l’on continue si longtemps à décrire des mœurs disparues, qu’on nous le pardonnera.

Si vous vous rappelez, nous avons décrit le chemin de Rotterdam à la Haye, ce qui nous dispense de décrire le chemin de la Haye à Rotterdam. Supposez-nous arrivé et embarqué sur le bateau à vapeur qui va rejoindre à Moerdyk le tronçon de voie ferrée menant de Hollande en Belgique ; car nous devons dîner à Anvers.

Était-ce la Meuse, le Rhin, le Wahal ou tous ces fleuves mêlés ensemble sur quoi nous naviguions ? Il nous serait difficile de le dire, même avec une carte sous les yeux, tant l’écheveau des embouchures s’enchevêtre et s’embrouille en ce pays plat et stagnant, quelquefois même au-dessous du niveau de la mer ; mais c’était à coup sûr une eau large et profonde, une eau grise comme la mer du Nord, où elle se rendait ; des navires d’un fort tonnage s’y mouvaient avec aisance ; notre bateau lui-même était de taille à défier la houle. Outre les voyageurs à deux pieds, il transportait des passagers quadrupèdes, de belles vaches hollandaises dignes de