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femmes de Scheveningue ; mais une bonne fortune nous attendait au Musée qui ne nous laissa plus rien à apprendre sur la joaillerie hollandaise.

Le rez-de-chaussée du musée de la Haye renferme, comme on sait, une collection de chinoiseries et de curiosités ; il faudrait huit jours pour l’examiner, car il n’y manque rien, pas même des sirènes de fabrique japonaise qui démentent le mulier formosa superne d’Horace, bien qu’elles finissent en poisson ; mais ce qui est beau doit l’emporter sur ce qui est seulement curieux, et nous montâmes, non sans un soupir de regret au premier étage ; le voyage, comme la vie, se compose de sacrifices. Qui veut tout voir ne voit rien. C’est assez de voir quelque chose.

Aussi allâmes-nous tout droit à la Leçon d’anatomie du docteur Tulp, de Rembrandt, une vieille connaissance à faire pour notre compagnon de route. Heureux l’homme intelligent qui ignore un chef-d’œuvre ! quelle adorable sensation il s’est gardée ! On a tort peut-être d’aborder trop tôt Homère, Eschyle, Dante, Shakspeare, Goethe, et de s’éblouir les yeux, dès la jeunesse, de Phidias, de Léonard de Vinci, de Michel-Ange, de Raphaël, de Titien, de Rembrandt. Il ne reste plus à lire et à contempler que des œuvres inférieures, secondaires, mé-