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qu’aux femmes du peuple ; la classe aisée suit comme partout la mode anglaise ou française.

L’omnibus nous dépose au débarcadère du chemin de fer qui mène à la Haye, et aussitôt nous voilà de nouveau en route. Vous voyez que l’épithète demoboros (dévorateur de peuples), dont Homère gratifie les chefs grecs, nous convient parfaitement.

L’aspect du pays est le même, à peu près, qu’en arrivant à Rotterdam par Utrecht. Ce sont de grandes plaines vertes, coupées de canaux, constellées de chevaux et de vaches ; mais le vert est moins frais, le jonc pointe, la tourbe affleure, l’eau croupit ; le sol n’a plus la même richesse ni la même fertilité, et cette ligne implacablement horizontale que dentellent à peine, au lointain, quelques silhouettes de fermes, de bouquets d’arbres ou de villages, finit par lasser les yeux. Ce pays absolument plat, nivelé à souhait pour le chemin de fer qui le traverse sans tunnel, sans tranchée, sans remblai, a besoin, pour plaire, de premiers plans accidentés, tels que bondes d’écluse, ponceaux, chaumières, cabarets, moulins, barques, et surtout d’une extrême fraîcheur de ton. La condition d’un ciel d’un gris fin ou d’un azur léger, papelonné de quelques cumulus de nuages blancs, n’est pas moins indispensable, car le ciel occupe en Hol-