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chetures d’un vert plus foncé. C’étaient des œufs de perdrix, non pas à la coque, ni durs, mais mollets, d’un goût excellent, quoique froids.

L’aspect des pays traversés par le chemin de fer prussien n’a rien de bien pittoresque. Autant que la vue peut s’étendre à droite et à gauche du railway, la terre semble pauvre et maigre. Les stations n’offrent pas cette apparence de coquetterie idyllique qui nous avait charmé de Berne à Bâle, et de Kehl à Heidelberg : ni découpure de bois, ni festons de fleurs ; juste le strict nécessaire pour le service. À ces stations se tenaient un certain nombre de voyageurs attendant l’arrivée ou le départ des trains, et de curieux pour qui voir défiler une suite de wagons est un spectacle récréatif, surtout dans la monotonie du dimanche protestant. Tout ce monde, riche ou pauvre, élégant ou délabré, était en pantalon noir, comme s’il eût obéi à un édit somptuaire ; jamais enterrement ne réunit un tel nombre de pantalons lugubres. La caisse des wagons était vert bouteille, de ce vert triste et mat dont sont peints chez nous les fourgons où les morts voyagent en poste. Ajoutez, pour la gaieté de la chose, les mâts de signaux, zébrés de noir et de blanc, aux couleurs de Prusse, et vous aurez un ensemble assez funè-