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héros de l’antiquité, à l’explication d’un onéiromante, nous comprîmes, d’après notre songe, que la douane retiendrait longtemps le Kœnig, et que nous arriverions fort tard le lendemain à Rotterdam, si toutefois nous y arrivions. Aussi, prenant notre sac mêlé aux bagages, nous nous élançâmes sur la voie, résolu à partir par le premier chemin de fer. On nous avait, du reste, fort honnêtement rendu le prix de notre place, et, le Kœnig n’étant guère destiné qu’au transport des marchandises, nous ne pouvions lui reprocher sa lenteur.

Mais une heure du matin venait de sonner, et, à cette heure, Dusseldorf dort d’un sommeil paisible. Nous voilà engagé à travers les rues obscures, longeant les façades éteintes et cherchant quelque hôtel, quelque gasthaus ouvert. Tout en errant au hasard, nous pensions que Dusseldorf était la patrie de Henri Heine, et que peut-être nous passions, sans le savoir, par cette rue Bolker où il vit le jour pour la première fois, et il apprit à écrire avec de la craie sur une porte brune. Nous nous étonnions de ne pas apercevoir à travers l’ombre le fou Aloysius danser sur un pied en psalmodiant les noms des généraux français, et l’ivrogne Gumpertz se vautrer dans le ruisseau en chantant Malbrouck. Tous les détails sur Dusseldorf dont l’auteur des