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plus découpée, plus hérissée, plus tailladée que Cologne. Ses pignons, ses toits, ses tours et son immense fragment de cathédrale inachevée se détachaient ce soir-là en vigueur d’un horizon orangé, et à travers les hautes fenêtres du chœur scintillait le disque rouge du soleil disparu derrière la ville. C’était grandiose, magique et splendide ; l’astre semblait une veilleuse allumée pour la nuit dans la nef gigantesque ; les cloches de toutes les églises sonnaient à pleines volées et répandaient leur harmonie catholique à travers la solennité du soir.

Presque tous nos compagnons de voyage débarquèrent à Cologne, et nous continuâmes pour ainsi dire seuls sur le bateau notre voyage vers Dusseldorf.

Le pont de bateaux franchi, nous longeâmes les piles géantes du pont de pierre et de fonte sur lequel le chemin de fer doit traverser le Rhin. Il était réservé au génie du XIXe siècle d’accomplir ce miracle ; jusqu’à ce jour, ce fleuve orgueilleux, resté vierge, n’avait souffert aucune arche permanente sur son océan vert.

La nuit était venue. Les berges lointaines nageaient entre l’eau et le ciel, semblables à ces minces nuages noirs qui rayent transversalement l’horizon crépuscu-