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commodées et remises à neuf, et, alors, elles ressemblent à des décors moyen âge de mélodrame. Le morceau moderne fait douter de l’authenticité du reste, et notre compagnon de voyage prétendait que c’étaient de faux burgs, des burgs de carton-pierre, placés là par la compagnie des bateaux à vapeur du Rhin, pour augmenter l’attraction du voyage. Selon lui, il ne devait pas naturellement y avoir autant de burgs que cela sur les rives du fleuve ; ce paradoxe fut entendu et rétorqué comme il le méritait par la dame allemande, qui avait souscrit pour la réparation d’un de ces burgs accusés d’être postiches.

Cependant les passagers de la Concordia commençaient à se regarder d’un air hagard et famélique, et les horreurs du radeau de la Méduse se seraient certainement reproduites si le domestique blême, en habit noir et en cravate blanche, n’eût, avec l’aide de quelques mousses, disposé une longue table sous la tente des premières classes. Pour des affamés, c’est déjà un spectacle attendrissant qu’une assiette où il y aura peut-être quelque chose ; aussi chacun s’était-il placé une heure d’avance. Enfin le souper parut ; des bouteilles de vin de Moselle et de vin du Rhin rendirent la table pareille à un jeu de quilles, et les burgs