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sage était découvert, car les juives ne se voilent pas.

Nous fûmes éblouis de cette manifestation subite de la beauté hébraïque : Raphaël n’a pas trouvé pour ses madones un ovale plus chastement allongé, un nez d’une coupe plus délicate et plus noble, des sourcils d’une courbe plus pure.

Ses prunelles de diamant noir nageaient sur une cornée de nacre de perle d’un éclat et d’une douceur incomparables, avec cette mélancolie de soleil et cette tristesse d’azur qui font un poëme de tout œil oriental. Ses lèvres, un peu arquées aux coins, avaient ce demi-sourire craintif des races opprimées ; chacune de ses perfections était empreinte d’une grâce suppliante ; elle semblait demander pardon d’être si radieusement belle, quoique appartenant à une nation déchue et avilie.

Deux mouchoirs de Tunis, posés en sens contraire, de façon à former une espèce de tiare, composaient sa coiffure. Une tunique de damas violet à ramages descendait jusqu’à ses talons ; une seconde un peu plus courte, aussi en damas, mais de couleur grenat et brochée d’or, était superposée à la première, qu’elle laissait voir par une fente partant de l’épaule et arrêtée à mi-cuisse par un petit ornement. Un foulard bariolé servait à marquer la ceinture ; sur le haut du corsage étincelait