Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/319

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Comme pour faire contre-poids à cette circulation exagérée, une pauvre vieille dame paralytique, au masque bistré et camard, restait immobile sur sa chaise comme une idole indoue. Ses yeux seuls montraient qu’elle était vivante. Toutes les fois qu’il passait près d’elle, traînant le pied, le fantôme éreinté du domestique blême lui lançait un long regard d’envie : elle était assise !

Le Mein se jette dans le Rhin presque en face de Mainz, que nous appelons Mayence, par suite de ce système absurde de traduction des noms qu’on devrait bien abandonner. — Cependant jambon de Mainz ferait un singulier effet ! — C’est toujours un beau spectacle que la rencontre de deux grands cours d’eau dont l’un absorbe l’autre et l’entraîne à la mer en lui ôtant son nom : — ainsi l’homme débaptise la femme qu’il épouse.

Mainz ou Mayence fait une assez bonne figure sur la rive du Rhin avec ses lignes de remparts denticulés, ses tours à échauguettes, son quai d’hôtels, son dôme gigantesque aux quatre campaniles, à la coupole mitrée, au clocher brodé de sculptures ; ses églises aux nombreuses aiguilles, et la flotte de puissants bateaux à vapeur et d’embarcations de toute sorte