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inscription trilingue, comme celle de Rosette, enjoint-elle en allemand, en anglais et en français, de ne pas parler au pilote, qui ne quitte pas une minute la roue du gouvernail, imprimant à propos de légères déviations au docile pyroscaphe.

D’escale en escale, le pont se peuplait : il y montait des mères de famille allemandes, suivies de deux ou trois fillettes et d’une Gretchen naïve, n’ayant pas l’air dame de la femme de chambre anglaise, encore moins l’air soubrette de la femme de chambre française, mais rappelant le type de Marguerite dans les illustrations de Reschz ; des groupes d’étudiants coiffés de la petite casquette aux couleurs de leur pays, qui devrait bien remplacer partout l’affreux chapeau moderne ; des instrumentistes se rendant à quelque ville d’eaux et portant sous le bras des cuivres que leur fourreau de percaline verte faisait ressembler à des boas empaillés ; des Anglais exacts de tenue, comme au bal ; des Russes parlant toutes les langues, et que, sans cette faculté polyglotte, on eût pris pour des Parisiens.

Parmi ces Russes se trouvait une femme dont la toilette irréprochable de modernité contrastait bizarrement avec la figure aux pommettes arrondies, aux yeux légèrement bridés, aux lèvres un peu épaisses,