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Lorsque le temps daigne ne pas être trop hostile, que les nuées ne vident pas leurs outres de pluie, que le soleil illumine à propos le décor, et que le vent ne vous jette pas à la figure l’écume du fleuve, rien n’est plus amusant qu’une journée passée ainsi.

Il faisait ce jour-là « une jolie température », suivant l’expression favorite des philistins. Quelques légers bancs de nuages flottaient dans la sérénité du matin, et les rivages se dessinaient sous un rayon de lumière favorable. Le Rhin s’étalait largement entre des berges peu élevées contre lesquelles moutonnaient de longues vagues produites par le sillage du bateau à vapeur, qui faisait danser les petites embarcations. — Il y avait encore peu de monde sur le Dampfschiff, mais chaque fois que l’on passait devant une petite ville ou un bourg, la Concordia, opérant une évolution sur elle-même, se rapprochant de l’estacade, ou, brassant l’eau à rebours, se laissait rejoindre par des barques chargées de voyageurs et de paquets.

La navigation du Rhin n’est pas autrement dangereuse, mais elle exige de l’attention ; le lit du fleuve change souvent de niveau, quelquefois il se hérisse de roches où une coque pourrait se découdre, et s’obstrue de bas-fonds sur lesquels on s’engraverait : aussi une