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noir plus italien qu’allemand, représentait la vindicative prêtresse avec assez d’ampleur et de majesté. Les chœurs et l’orchestre étaient excellents. La décoration avait du caractère ; au fond d’une crypte caverneuse se dressait l’idole monstrueuse l’Irmensul, et les racines des chênes druidiques, dont le feuillage se perdait dans les frises, se crispaient hideusement sur les roches comme de grands serpents végétaux.

Notons un détail local. La carapace du souffleur, qui chez nous ressemble à un fond de hotte, était arrangée au théâtre de Mannheim en coquille marine et formait ainsi un joli motif d’ornement.

Le spectacle fini, nous revînmes à l’hôtel de l’Europe, et, de la terrasse du jardin, nous regardions, en fumant, le large cours du fleuve, où tremblotaient des reflets de lune et de lanternes, et la flotte des pyroscaphes de la compagnie du Rhin amarrés au quai.

Dès quatre heures du matin, il fallait être levé, et pourtant le sommeil ne nous venait pas. Le Dampfschiff Concordia devait nous emporter de Mannheim à Dusseldorf, entre deux lignes de villes, de montagnes et de burgs, et nous faire accomplir, au vol de la vapeur, notre quatrième journée.