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domine la vallée du Neckar, qui s’ouvre sur une plaine immense, indéfinie et bleuissante comme la mer. Les écroulements des fortifications, chaos de blocs et de verdure, forment le premier plan avec leurs tons heurtés et vigoureux.

Au-dessous, la ville d’Heidelberg s’aperçoit en abîme avec ses toits, ses cheminées, ses tours, ses clochers, sa cathédrale mi-catholique, mi-protestante ; à droite coule le Neckar écumant aux roches de son lit, se plissant aux arches du pont qui le traverse, et se dirigeant à travers la plaine vers le Rhin, qu’il rejoint près de Mannheim ; tout au fond à gauche, une bandelette d’un azur plus foncé, ébréchée çà et là, indique une chaîne de montagnes, les Vosges sans doute ; une ligne de vapeur trahit le cours du Rhin invisible. Éclairé par une lumière splendide, ce panorama, vu de cette hauteur, éblouissait et semblait plutôt un rêve de l’art qu’une réalité.

On entre dans le château par une tour carrée, au milieu de laquelle s’ouvre un porche béant surmonté de figures d’hommes d’armes sculptés en granit rouge, d’une tournure archaïque et barbare, qui semblent plus anciens que l’édifice même, et l’on débouche sur une place ou cour intérieure où vous attend un spec-