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rons, bientôt suivi partout. Un train de chemin de fer doit offrir la même accommodation qu’un steamer maritime ou fluvial ; c’est le steamer terrestre. Remplacez les voitures par des chambres communiquant entre elles d’un bout à l’autre du convoi ; pratiquez dans ces compartiments plus ou moins vastes un ou plusieurs salons, une salle à manger, un café, une tabagie, une bibliothèque, un dortoir avec des cadres comme dans les vaisseaux. À l’extérieur de la chose, faites circuler une galerie, rendez praticable la plate-forme, ou plutôt le pont de ce navire à roulettes, et, alors seulement, la locomotion à vapeur sur railway aura rompu avec la vieille routine. N’est-il pas ridicule d’atteler à une file de fiacres l’irrésistible machine de Stephenson ?

De Berne à Olten, le paysage qu’on traverse est de la plus rare magnificence. D’abord, lorsqu’on regarde en arrière, on aperçoit la dentelure des Alpes Bernoises, couronnées par la neige d’un éternel diadème d’argent. Puis ce sont des forêts de sapins gigantesques, aux troncs élancés et droits comme les colonnes d’une nef gothique, véritables cathédrales de la nature ; plus loin, des prairies veloutées, étoilées de fleurs, traversées de cours d’eau, des massifs d’arbres d’une verdure et d’une frondaison sans pareilles au monde, des