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sans fin, des spirales descendant vers des profondeurs mystérieuses. — C’est le plaisir que donnent les romans d’Anne Radcliffe et les eaux-fortes de Piranèse transporté dans la réalité. — Aussi tentâmes-nous, à tout hasard, la descente de l’escalier, descensus Averni.

Cet escalier aux marches raboteuses, d’une pente assez roide, coupé de loin en loin par des paliers, éclairé de faibles lueurs, avait sous sa voûte écrasée, entre ses parois sombres, quelque chose d’étrange et de sinistre, dû à l’heure sans doute ; il rappelait ces rampes sans fin qu’escalade Panurge et que dégringole la troupe avinée des escholiers et des souldarts dans les illustrations de Rabelais par Doré.

Au bas de ces degrés, innombrables comme ceux qui se succèdent dans ces cauchemars d’architecture où l’on rêve qu’on cherche à sortir d’un château magique ou d’une ruine maudite, nous débouchâmes sur une plage encombrée par des billes de sapin ; un air frais et un bruissement d’eau nous avertissait du voisinage d’une rivière : c’était l’Aar, qui entoure Berne de trois côtés et en fait une sorte de presqu’île au milieu des terres.

La lune n’était pas levée et la perspective se fermait à quelques pas devant nous ; nous remontâmes donc