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II

DE BERNE À STRASBOURG

C’est toujours une bonne fortune quand le hasard des heures et des routes vous amène la nuit dans une ville inconnue. À droite et à gauche de la voiture, les yeux avides essayent de percer l’obscurité et de saisir à travers l’ombre, étoilée çà et là de lanternes, quelques traits de la physionomie générale des édifices. On envie les prunelles nyctalopes des hiboux et des chats ; à peine entré dans l’auberge, on en sort ; on voudrait qu’il fît jour tout de suite, et l’on accuse l’aurore, même l’aurore d’été qui se lève si matin pourtant, d’être paresseuse au lit.

Il y a souvent une poésie, que détruit parfois la grande clarté, dans ces masses noires qu’ébauche un rayon perdu, un vague reflet du ciel nocturne, et les villes entrevues ainsi prennent des apparences bizarres,