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l’amadou, qu’on n’oserait pas battre le briquet près de ceux qui la portent. Notons encore un autre détail. En passant près d’un chalet, nous remarquâmes que le chien de garde était attaché à une longue chaîne glissant au moyen d’un anneau sur une corde fixée près du toit de la maison, dont il pouvait ainsi faire le tour sans avoir pourtant la liberté de s’éloigner. Cette précaution, nous dit notre loueur de voiture, était inspirée par la crainte des incendiaires.

Quoique notre second relais ne marchât pas si bien que le premier, nous arrivâmes à Berne au commencement de la nuit, en longeant un magnifique bois de sapins, dont les fûts filaient à travers l’ombre comme des mâts de navire ou des nervures de piliers gothiques, et rappelaient cette étrange forêt que Gustave Doré fait parcourir au Juif errant ; en feuilletant ces bizarres illustrations, nous avions trouvé les arbres crayonnés par le dessinateur trop pareils à des tuyaux d’orgue ; nous nous empressons aujourd’hui de retirer notre critique. Doré avait raison. La nature justifie toujours l’art.