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de bois flotté que le courant pousse jusqu’à un certain endroit où on les repêche. Chaque bûche est timbrée de la marque du propriétaire et le tri s’en fait aisément.

Au milieu de la place d’Aarberg, entourée de maisons dans le vieux style suisse, s’élève une sorte de hangar en grosses poutres surmonté d’un beffroi ; un char à bœufs y était remisé, et les pauvres bêtes, levant leurs mufles humides, poussaient de longs et doux beuglements, ennuyées d’attendre leur maître, buvant sans doute dans quelque cabaret. Les bœufs semblent avoir le rêve et la nostalgie, sentiment qui manque aux chevaux.

C’est sur cette même place d’Aarberg que nous vîmes pour la première fois le costume national faire son apparition. — Un costume caractéristique est si rare maintenant, que c’est pour le voyageur une joie enfantine d’en rencontrer ailleurs qu’à l’Opéra. Ce costume consiste en une robe noire ou bleu foncé, courte de taille, et découpée sur la gorge de manière à laisser paraître comme une plaque blanche la chemise plissée et bouffante. Le corsage se referme à la base du col et produit l’effet d’une cravate. Le vêtement des hommes consiste en une veste, un gilet et un pantalon d’une étoffe qu’on appelle mi-laine dans le pays, et qui ressemble tellement à de