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massifs de rhododendrons et de marronniers roses. — Neuchâtel s’avance vers le lac sur une espèce de promontoire dans une situation admirable ; l’aspect général de la ville est heureux et gai. Les fraîches verdures s’y mêlent dans une agréable proportion aux façades blanchies à l’italienne ou écaillées à la suisse.

À la descente de la diligence nous attendait un ami qui s’est retiré du tourbillon parisien pour se bâtir, au bord du lac de Neuchâtel, une retraite philosophique où nous avions promis de lui rendre visite. Nous voilà tout aussitôt reparti sur un léger phaéton ; car la maison de notre camarade, située à quelque distance de la ville, baigne son pied dans le lac même, et il nous fallait rétrograder au delà de Boudry jusqu’à Bevaux pour descendre vers la rive. Nous nous croisions souvent avec ces petites voitures bizarres, particulières à la Suisse, espèces de chaises à porteurs placées de côté sur quatre roues. Quand on fait face au point de vue, rien de plus commode ; mais on a quelquefois devant le nez une montagne se dressant à pic comme une muraille.

La nature, qui n’est pas soumise à la critique comme la peinture et n’a pas besoin de paraître vraisemblable, se permet parfois de singuliers tableaux. En voici un qu’elle s’était amusée à colorier, ce jour-là, des plus