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à une autre. Il y a dans les moindres détails quelque chose de net, de propre, de soigné et de méthodique en même temps qui révèle une population protestante.

À partir des Bayards, la route devient très-pittoresque. Elle côtoie, par des pentes habilement ménagées, la montagne qui forme une des parois du val Travers, au fond duquel bouillonne et court la Reuse. Ce torrent, avec son petit air d’indépendance et de fougue, ses détours et ses cascatelles, n’en travaille pas moins comme un bon ouvrier ; ses eaux écumeuses font tourner les roues de moulins et de scieries, sans rien perdre en apparence de leur liberté sauvage. Rien n’est charmant, d’ailleurs, comme ces fabriques vues de haut avec leur grand toit, leur bouquet de verdure et le feston de mousse blanche dont elles brodent le cours rapide de la rivière.

Sur la paroi opposée du vallon, la montagne se marbrait de larges taches d’un bleu noirâtre qu’on eût prises volontiers pour des plaques de mousse, et qui étaient des bois de sapins énormes. Dans les régions plus basses, au feuillage sombre des sapins se mêlaient des touches d’un vert plus tendre, décelant des arbres à feuillage annuel qui ne dépassent pas une certaine élévation.