Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/272

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et l’on accrocha à la machine cinq ou six chevaux de poste. — Des chevaux de poste ! il n’y en aura bientôt plus, et, dans quelques années d’ici, lorsque le réseau des voies ferrées aura rejoint ses mailles, on montrera le dernier de la race comme, à Venise, dans l’île de Murano, on montrait un cheval pour de l’argent.

Nous ne regrettons pas la disparition successive des diligences, et nous n’avons pas envie de blasphémer la sainte vapeur ; cependant ces rondes croupes de chevaux à la queue nouée, ces sonneries de grelots, ces claquements de fouet, ces bruits de ferraille, et, dans les nuits fraîches, cette fumée de sueur et d’haleine enveloppant l’attelage en marche, avaient quelque chose de pittoresque, d’animé, de vivant qui n’était pas désagréable. Mais, aujourd’hui, Rossini seul voyage obstinément avec des chevaux, et ne veut point se fier aux hippogriffes d’acier et de cuivre fabriqués par Crampton.

Les premières ondulations des montagnes lointaines multipliaient les montées et les descentes et nécessitaient des relais rapprochés, quelquefois des renforts. Comme il faisait nuit, à peine était-il possible de distinguer à droite et à gauche quelques vagues silhouettes d’escarpements et de collines ; mais, quand on eut