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mouvant ne se repose jamais. À Paris, elles ne sont pas si gaies. La tour du phare, l’espèce de temple grec qui sert de douane ; les coupoles passées à la chaux, et les murs dentelés en scie de la grande mosquée se distinguent déjà dans tous leurs détails ; le débarcadère n’est plus qu’à quelques encablures. Voici la rade du commerce avec sa forêt d’agrès et d’esparres où sèche le linge des matelots.

Notre bateau dégorge son trop plein de vapeur ; des canots de toute forme et de toute grandeur viennent à notre rencontre. Ils sont montés par des Maltais, des Mahonnais, des Provençaux, des canailles de tous les pays du monde. En voici un conduit par des Turcs, un autre par des nègres ! Rien n’est plus simple, et cependant la vue de ces costumes orientaux nous fit un grand effet. — Nous autres Parisiens, nous ne croyons guère aux Turcs hors du carnaval. Nous avons l’habitude de les voir signés d’un coup de pied au derrière, ou débitant des pastilles du sérail faites avec le bitume des trottoirs. — Rencontrer dans la réalité ce qui jusqu’alors n’a été pour vous que costume d’Opéra et dessin d’album, est une des plus vives impressions que l’on puisse éprouver en voyage.

Comme vous le pensez bien, nous choisîmes une bar-